Du vivant de Molière, ses comédies ont été acclamées, commentées, voire attaquées, sans que nul n’émette le moindre doute sur leur paternité. Mais dans la foulée de la remise en cause de Shakespeare, accusé depuis le xixe siècle de n’être pas l’auteur de ses pièces, Pierre Louÿs proclama en 1919 que les comédies de Molière avaient été écrites en secret par Pierre Corneille. La faiblesse des arguments de Louÿs fit rapidement oublier l’affaire, mais l’idée d’un complot s’implanta malgré tout dans quelques esprits. L’irruption des « théories alternatives » au xxie siècle redonna vigueur à cette thèse, et le sentiment que de nombreux mystères entourent Molière s’installa durablement. C’est à tenter de dissiper ces prétendus mystères qu’est consacré le présent ouvrage. Georges Forestier analyse ici l’écart immense qui sépare les manières respectives de Corneille et Molière de composer leurs pièces de théâtre, et rétablit la réalité de leurs rapports. Il propose ce faisant une réflexion sur les processus intellectuels et cognitifs qui font naître et se perpétuer des théories complotistes capables de renverser des vérités attestées.